C’est là que le français Bonpland
botaniste
en cherchant des « asclépias
lirolensis »
ou des « chinchonas acaridesas »
trouva par contre caché
figures et visages de l’amour
en l’indienne « Nunu » des
zambos
près de la bouche de l’Orénoque
près de la bouche de l’Orénoque
il dormit à l’abris du danger
il mangeait du riz du manioc des
fourmis
des bananes et des délices de
singe
se regardant dans les crocodiles
dans le sifflement des boas
dans le rugissement des tigres
tandis que s’élevaient les craintes
comme des feux jamais éteints
C’est à la chaleur de ces feux
que le français Bonpland
botaniste
pénètre dans les douces parties
de “Nunu”
tandis que tournaient dans la nuit
les cathédrales médiévales
toute la rue du chat qui pêche
comme des planètes instantanées
s’éteignant par le milieu
entre les seins de la « Nunu »
qui parlaient leurs doux langages
plus puissant que la brousse
plus beaux que les tigres dans
la lumière violette de son ventre
ou que les crocodiles
bouches de l’Orinoque père ou
fleuve
ou que les boas ondulés
comme des petites vagues de la Seine grise
il eut peur il aima « Nunu » il
mangea du singe
avec son habit directoire
il eut 15 jours de miel
et lorsque quelqu’un vola
l’indienne
(non par désir de sa chair
ou des parties destinées
à l’amour pur et dur et autre
sinon pour les renvoyer
à la brousse déchaînée
ou pour les sortir de l’amour
pour un autre monde comme il est
ou l’amour est d’un autre monde ou
c’est un autre monde directement)
Bonpland disait alentour:
« Frère crocodile dis-moi
où se trouve « Nunu » la douce
celle aux seins si variés à savoir
celui qui te donne le lait d’amour
celui qui t’éteint la méchanceté
celui qui te protège contre la peur
celui qui tremble dans la chute
car il ne sait pas s’il te portera »
ou au tigre à raies de roi :
« où est « Nunu » tigre tigre
maintenant hors de mon sang »
ou au boa: « comment va « Nunu »
celle de la lune sur le genou »
celle de la lune sur le genou
on l’a enlevée et Bonpland
ne voulu pas entendre parler
d’étoiles
ou de mystères de la mer
ou de volcans allumés
ou de plantes tranquilles en soi
et quoiqu’il partit de l’Orénoque
de ses rouilles douces vertes
et quoiqu’il fut aimé par
l’impératrice
(la Joséphine de Napoléon)
pour mourir pour de bon
Bonpland retourne vers « Nunu »
et jamais plus la retrouva
mais il mangeait du manioc des
fourmis
du riz délices de singe des
bananes
et buvait de l’eau de l’Orénoque
comme on mange une femme
comme on boit une femme
voici l’histoire de Bonpland
qui classa de nombreuses plantes
du continent américain
mais lui vivait de « Nunu » oh
« Nunu »
celle de la lune sur le genou
celle des nombreux seins d’amour
celle des planètes éteintes
comme la rue du chat qui pêche
courant s’offrant
pour le français qui, l’aimait
comme un jardin ou « Nunu » oh
« Nunu »
comme la nuit « Nunu » « Nunu »
Juan Gelman
Interprété par Juan Cedron