Les Batteuses à
céréales. Une étude de M. L. FONTAINE, Professeur à l’École
d'Agriculture de l’Oisellerie en Charente. (Extrait)
L'égrenage des céréales a, de nos jours,
une "très grande importance, car les nouvelles méthodes de culture ont plus
que doublé la production des grains depuis 50 ans.
Les anciens procédés déballage par
dépiquage ou au fléau, seraient donc très onéreux de nos jours si on ne leur
avait substitué les machines. Quand, en effet, on compare :
-
L'ancien battage au fléau, avec lequel
un bon ouvrier donnait 2 hectolitres de blé par jour, revenant à 1 fr. et
1 fr. 15 l'hecto.
-
Les grandes batteuses actuelles,
produisant 120 à 150 hectos de blé marchand, au prix de 0 fr. 45 à 0 fr.
50 l'hecto,
On voit quels progrès ont été accomplis
dans ce genre de travail.
Les machines qui produisent 80 et plus
de 100 hectolitres de grain marchand par jour, sont dites batteuses à grand
travail. Une batteuse à grand travail peut être à simple ou à double
nettoyage.
Enfin, au point de vue de la
présentation des tiges lors de l'égrènement, on distingue les batteuses en
bout, chez lesquelles les épis arrivent perpendiculairement au batteur, et
les batteuses en travers, qui admettent les tiges parallèlement à l'axe du
batteur
Ces machines répondent aux besoins de la
culture en général, car elles font un travail rapide, propre, tout en
supprimant beaucoup de frais de main-d'oeuvre ; enfin, elles sont très
complètes. En effet, en dehors du batteur qui égrène, on trouve des
secoueurs de paille, des ventilateurs, des cribles, des grilles, des
élévateurs de grains à chaîne à godets ou centrifuges, des aspirateurs d'otons,
des trieurs ou classeurs de
grains, des engreneuses mécaniques, des botteleuses de paille, des
élévateurs de paille, des broyeurs de paille, etc. Tous ces organes
travaillent simultanément pour séparer les produits dérivés de l'égrenage de
chaque céréale. Dans
un matériel de hallage à vapeur, on a deux appareils distincts : a) La
batteuse ; b) La locomobile. Pour notre description, nous prendrons comme
type l'excellent système Brouhot, de Vierzon (Cher).
Batteuse.
— La batteuse Brouhot, à double nettoyage avec élévateur centrifuge, est
représentée dans son ensemble en coupe longitudinale par la figure
ci-dessous. Le bâti forme une longue caisse, dont là charpente est
constituée par des longrines en bois de chêne, entretoisées de pièces
verticales. Les parois latérales sont planchéiées pour augmenter la solidité
et rendre l'ensemble indéformable sous l'influence de la chaleur et de
l'humidité auxquelles la batteuse est soumise durant la saison du travail.
Pour le transport, l'ensemble est monté sur quatre roues, dont les
antérieures forment avant-train U, pouvant recevoir des brancards ou un
limon suivant que l'on utilise des chevaux ou des bœufs.
Une partie du dessus de la batteuse est occupée par un plancher T, sur
lequel on délie les gerbes, qu'un ouvrier étend ensuite en nappe régulière
avant de les passer à un deuxième dit engreneur. Ces manœuvres se tiennent
debout sur une planche latérale.
La céréale en arrivant en O, pénètre par aspiration entre le batteur M,
marchant à 800 tours à la minute, et le contre batteur fixe N. Il se produit
un froissement entre les surfaces en acier, déterminant l'égrenage. Le
batteur est solidement établi. Il comprend un arbre en acier, sur lequel
sont clavetés 5 tourteaux avec croisillons, recevant à leur périphérie 9
battes également en acier, avec stries en sens contraire,
pour augmenter et changer le sens du froissement pendant la rotation. De
longues portées soutiennent les extrémités de l'axe dans des coussinets
munis de graisseurs à bague, et reposant sur de larges paliers, fixés à des
panneaux latéraux en fonte. L'ensemble jouit d'une rigidité à toute épreuve
contre les trépidations continues.
Quant au contre batteur, celui-ci embrasse excentriquement le batteur en
dessous, et forme une carcasse métallique, munie de barres longitudinales en
acier ou contre balles.

Pour que l'égrenage soit bon, il faut que les épis sortent du batteur
complètement vides, sans grains cassés. Suivant l'étal de la récolte et son
degré de siccité, le mécanicien peut régler la distance qui sépare le
batteur du contre batteur. Pour cela, le contre batteur N, est articulé à
ses extrémités dans quatre glissières munies
d'écrous de déplacement. Plus la céréale est humide, plus il faut rétrécir
l'entrée au batteur, à cause de la grande adhérence des balles aux grains.
Réciproquement, une céréale très sèche demandera un grand espacement, afin
d'éviter le cassage des grains.
Tous les produits battus tombent à la base des secoueurs SS', un peu
inclinés de bas en haut et animés de mouvements d'oscillation, au moyen d'un
arbre vilebrequin K. Chaque secoueur forme un long cadre en bois de 2m80,
sur lequel sont clouées des traverses triangulaires formant jalousie ; vers
l'extrémité se trouvent des chutes, lesquelles augmentent l'effet du
secouage. Grâce à la grande longueur de l'appareil secoueur de la batteuse
Brouhot, la nappe de paille s'épure dans son parcours de tous les menus
produits, et vient sortir en b, sur une grille inclinée en bois où les
ouvriers la reçoivent pour la lier ou la mettre en tas ordinaire.
Maintenant, suivons les autres produits de battage qui ont traversé les
mailles du contre- batteur et les jalousies des secoueurs, nous voyons
qu'ils sont recueillis par une longue et large table à secousses A. Le fond
de celle-ci est occupé par une grille qui retient les courtes pailles,
venant se déverser à l'arrière de la batteuse et latéralement, par une
gouttière G.
Quant aux graines diverses, mélangées de balles et de poussières, elles
tombent dans un grand auget B, qui les amène par des plans inclinés au
premier nettoyage C. Celui-ci possède une série de grilles, et un puissant
ventilateur soufflant H. Sous l'influence du courant d'air, la plus grande
partie des balles sont rejetées à l'arrière suivant p, où elles forment sous
la machine un tas V. Les mauvaises graines et les grains cassés sortent par
des goulottes e g, tandis que les otons et les grains vêtus sont remontés au
batteur, par un aspirateur situé sur le côté gauche de la machine, et non
représenté dans la coupe. La grille persienne A, et la table à auget B, sont
suspendues par des lames de ressort en acier 1, 2, 3, 4, recevant leur
mouvement
de va-et-vient par des bielles en bois, calées sur les excentriques de
l'arbre de couche I.
Il nous reste à voir la partie concernant le deuxième nettoyage, lequel
commence à l'élévateur centrifuge F. Ce dernier consiste en une boîte en
fonte, dans laquelle tourne rapidement un arbre à ailettes, lançant
tangentiellement le grain venant de N, dans un canal oblique R. La masse
élevée tombe dans une boite d'arrière L, où se meut alternativement un auget
suspendu D, dont les grilles reçoivent le courant d'air d'un petit
ventilateur Z. Les dernières balles et poussières sont alors expulsées
suivant g p', et viennent se mélanger aux courtes pailles.
Enfin, après avoir perdu le reste des mauvaises graines, le blé propre est
recueilli dans la boîte X, à laquelle sont suspendus des sacs en a a.
Dans les cas où le deuxième nettoyage n'est pas nécessaire, un obturateur
fixé dans le conduit R, ramène immédiatement les grains en X ; de plus, le
ventilateur Z est arrêté. Pour l'ébarbage de l'orge, une plaque striée sous
l'élévateur F, casse les arrêtes par l'effet de la rotation rapide.
Telle que nous venons de la décrire, la batteuse intermédiaire Brouhot,
mesure 4 m93 de long, 2m35 de large, 2 m73 de haut et pèse environ 2.780 kg.
Tous les arbres intermédiaires possèdent des doubles graisseurs, à huile ou
à graisse constante, prévenant ainsi tout échauffement dans les portées.
L'élévateur centrifuge du deuxième nettoyage peut être remplacé par une
chaîne à godets.
Ce modèle de machine intermédiaire, actionnée par une une locomobile de 5 à
6 chevaux, constitue un matériel de battage très pratique et peu coûteux
pour les entrepreneurs et les petits syndicats agricoles.
En ce qui concerne les batteuses finisseuses, on adjoint en dessous du
deuxième nettoyage, un trieur extensible ou classeur. Il consiste en un
cylindre horizontal, sur lequel s'enroule un gros fil de fer, dont les
spires peuvent se rapprocher, au moyen d'un disque presseur mû du dehors par
une manivelle. En tournant, le crible classe le blé ou l'avoine en plusieurs
catégories de grosseurs .différentes ; la meilleure qualité forme une
excellente semence triée, qui peut être vendue aussitôt le hallage. La
botteleuse mécanique s'adjoint communément aujourd'hui à l'avant des
secoueurs des grandes machines, où elle remplace le travail de cinq à six
ouvriers. Cet appareil est semblable aux liens des moissonneuses, mais il
est de dimensions plus grandes. Lorsque la paille sort de la batteuse, elle
tombe sur la table des tasseurs qui la mettent en botte sur une ou deux
ficelles ; puis, les aiguilles l'enserrent pour opérer les nœuds. Il faut
une excellente manille.
En France, on emploie peu les élévateurs de paille, sortes de chaînes sans
fin munies de dents, qui se meuvent dans le couloir d'un bâti incliné,
lequel peut se redresser et s'allonger au fur et à mesure que la meule de
paille s'élève.
Les brise paille se rencontrent communément sur les batteuses du Midi et
d'Algérie, où l'on a conservé l'habitude de hacher les pailles comme les
donnait anciennement le dépiquage par animaux. L'organe hacheur ou broyeur
est généralement constitué par un tambour rotatif armé de dents, passant
contre un contre batteur.
En résumé, on voit que la batteuse à grand travail peut, tout en conservant
ses grandes lignes de construction, exécuter par l'adjonction d'appareils
auxiliaires une foule de travaux secondaires. Mais, dans ces cas, il faut
toujours prévoir un moteur d'une force supérieure de 1 à 2 chevaux-vapeur,
afin d'obtenir une marche régulière dans le battage. Une équipe de 18 à 22
ouvriers est nécessaire pour alimenter un appareil à grand travail,
fournissant 120, 150 à 200 hectolitres de blé par jour, suivant la qualité
de la récolte.
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