Les Batteuses à céréales. Une étude de M. L.
FONTAINE, Professeur à l’École d'Agriculture de l’Oisellerie en Charente.
L'égrenage des céréales a, de nos jours, une "très grande importance, car les
nouvelles méthodes de culture ont plus que doublé la production des grains
depuis 50 ans.
Les
anciens procédés déballage par dépiquage ou au fléau, seraient donc très onéreux
de nos jours si on ne leur avait substitué les machines. Quand, en effet, on
compare :
-
L'ancien battage au fléau, avec lequel un
bon ouvrier donnait 2 hectolitres de blé par jour, revenant à 1 fr. et 1 fr.
15 l'hecto.
-
Les grandes batteuses actuelles,
produisant 120 à 150 hectos de blé marchand, au prix de 0 fr. 45 à 0 fr. 50
l'hecto,
On voit quels progrès ont été accomplis dans ce genre de travail.
Disons seulement, au point de vue historique, que c'est l'Écossais André Meikle,
qui, vers 1786, découvrit le batteur rotatif et le contre-batteur fixe,
permettant l'égrenage des épis par froissement et entraînement entre deux
surfaces.
Plus tard, l'Américain Atkinson inventa le batteur à dents ou à pointes,
appliqué dans les petites machines à bras et à manège.
La classification des batteuses la plus simple peut se ramener à quatre groupes
:
1° Batteuses à vapeur
2° Batteuses à pétrole ou moto-batteuses
3° Batteuses à plan incliné ou trépigneuses
4° Batteuses à manège
Les machines qui produisent 80 et plus de 100 hectolitres de grain marchand par
jour, sont dites batteuses à grand travail. Une batteuse à grand travail peut
être à simple ou à double nettoyage.
Enfin, au point de vue de la présentation des tiges lors de l'égrènement, on
distingue les batteuses en bout, chez lesquelles les épis arrivent
perpendiculairement au batteur, et les batteuses en travers, qui admettent les
tiges parallèlement à
l'axe du batteur
1° Batteuses à vapeur à grand travail
Ces machines répondent aux besoins de la culture en général, car elles font un
travail rapide, propre, tout en supprimant beaucoup de frais de main-d'oeuvre ;
enfin, elles sont très complètes. En effet, en dehors du batteur qui égrène, on
trouve des secoueurs de paille, des ventilateurs, des cribles, des grilles, des
élévateurs de grains à chaîne à godets ou centrifuges, des aspirateurs d'otons,
des trieurs ou classeurs de
grains, des engreneuses mécaniques, des botteleuses de paille, des élévateurs de
paille, des broyeurs de paille, etc. Tous ces organes travaillent simultanément
pour séparer les produits dérivés de l'égrenage de chaque céréale. Dans
un matériel de hallage à vapeur, on a deux appareils distincts : a) La batteuse
; b) La locomobile. Pour notre description, nous prendrons comme type
l'excellent système Brouhot, de Vierzon (Cher).
Batteuse. —
La batteuse Brouhot, à double nettoyage avec élévateur centrifuge, est
représentée dans son ensemble en coupe longitudinale par la figure ci-dessous.
Le bâti forme une longue caisse, dont là charpente est constituée par des
longrines en bois de chêne, entretoisées de pièces verticales. Les parois
latérales sont planchéiées pour augmenter la solidité et rendre l'ensemble
indéformable sous l'influence de la chaleur et de l'humidité auxquelles la
batteuse est soumise durant la saison du travail. Pour le transport, l'ensemble
est monté sur quatre roues, dont les antérieures forment avant-train U, pouvant
recevoir des brancards ou un limon suivant que l'on utilise des chevaux ou des
bœufs.
Une partie du dessus de la batteuse est occupée par un plancher T, sur lequel on
délie les gerbes, qu'un ouvrier étend ensuite en nappe régulière avant de les
passer à un deuxième dit engreneur. Ces manœuvres se tiennent debout sur une
planche latérale.
La céréale en arrivant en O, pénètre par aspiration entre le batteur M, marchant
à 800 tours à la minute, et le contre batteur fixe N. Il se produit un
froissement entre les surfaces en acier, déterminant l'égrenage. Le batteur est
solidement établi. Il comprend un arbre en acier, sur lequel sont clavetés 5
tourteaux avec croisillons, recevant à leur périphérie 9 battes également en
acier, avec stries en sens contraire,
pour augmenter et changer le sens du froissement pendant la rotation. De longues
portées soutiennent les extrémités de l'axe dans des coussinets munis de
graisseurs à bague, et reposant sur de larges paliers, fixés à des panneaux
latéraux en fonte. L'ensemble jouit d'une rigidité à toute épreuve contre les
trépidations continues.
Quant au contre batteur, celui-ci embrasse excentriquement le batteur en
dessous, et forme une carcasse métallique, munie de barres longitudinales en
acier ou contre balles.

Pour que l'égrenage soit bon, il faut que les épis sortent du batteur
complètement vides, sans grains cassés. Suivant l'étal de la récolte et son
degré de siccité, le mécanicien peut régler la distance qui sépare le batteur du
contre batteur. Pour cela, le contre batteur N, est articulé à ses extrémités
dans quatre glissières munies
d'écrous de déplacement. Plus la céréale est humide, plus il faut rétrécir
l'entrée au batteur, à cause de la grande adhérence des balles aux grains.
Réciproquement, une céréale très sèche demandera un grand espacement, afin
d'éviter le cassage des grains.
Tous les produits battus tombent à la base des secoueurs SS', un peu inclinés de
bas en haut et animés de mouvements d'oscillation, au moyen d'un arbre
vilebrequin K. Chaque secoueur forme un long cadre en bois de 2m80, sur lequel
sont clouées des traverses triangulaires formant jalousie ; vers l'extrémité se
trouvent des chutes, lesquelles augmentent l'effet du secouage. Grâce à la
grande longueur de l'appareil secoueur de la batteuse Brouhot, la nappe de
paille s'épure dans son parcours de tous les menus produits, et vient sortir en
b, sur une grille inclinée en bois où les ouvriers la reçoivent pour la lier ou
la mettre en tas ordinaire.
Maintenant, suivons les autres produits de battage qui ont traversé les mailles
du contre- batteur et les jalousies des secoueurs, nous voyons qu'ils sont
recueillis par une longue et large table à secousses A. Le fond de celle-ci est
occupé par une grille qui retient les courtes pailles, venant se déverser à
l'arrière de la batteuse et latéralement, par une gouttière G.
Quant aux graines diverses, mélangées de balles et de poussières, elles tombent
dans un grand auget B, qui les amène par des plans inclinés au premier nettoyage
C. Celui-ci possède une série de grilles, et un puissant ventilateur soufflant
H. Sous l'influence du courant d'air, la plus grande partie des balles sont
rejetées à l'arrière suivant p, où elles forment sous la machine un tas V. Les
mauvaises graines et les grains cassés sortent par des goulottes e g, tandis que
les otons et les grains vêtus sont remontés au batteur, par un aspirateur situé
sur le côté gauche de la machine, et non représenté dans la coupe. La grille
persienne A, et la table à auget B, sont suspendues par des lames de ressort en
acier 1, 2, 3, 4, recevant leur mouvement
de va-et-vient par des bielles en bois, calées sur les excentriques de l'arbre
de couche I.
Il nous reste à voir la partie concernant le deuxième nettoyage, lequel commence
à l'élévateur centrifuge F. Ce dernier consiste en une boîte en fonte, dans
laquelle tourne rapidement un arbre à ailettes, lançant tangentiellement le
grain venant de N, dans un canal oblique R. La masse élevée tombe dans une boite
d'arrière L, où se meut alternativement un auget suspendu D, dont les grilles
reçoivent le courant d'air d'un petit ventilateur Z. Les dernières balles et
poussières sont alors expulsées suivant g p', et viennent se mélanger aux
courtes pailles.
Enfin, après avoir perdu le reste des mauvaises graines, le blé propre est
recueilli dans la boîte X, à laquelle sont suspendus des sacs en a a.
Dans les cas où le deuxième nettoyage n'est pas nécessaire, un obturateur fixé
dans le conduit R, ramène immédiatement les grains en X ; de plus, le
ventilateur Z est arrêté. Pour l'ébarbage de l'orge, une plaque striée sous
l'élévateur F, casse les arrêtes par l'effet de la rotation rapide.
Telle que nous venons de la décrire, la batteuse intermédiaire Brouhot, mesure 4
m93 de long, 2m35 de large, 2 m73 de haut et pèse environ 2.780 kg. Tous les
arbres intermédiaires possèdent des doubles graisseurs, à huile ou à graisse
constante, prévenant ainsi tout échauffement dans les portées. L'élévateur
centrifuge du deuxième nettoyage peut être remplacé par une chaîne à godets.
Ce modèle de machine intermédiaire, actionnée par une une locomobile de 5 à 6
chevaux, constitue un matériel de battage très pratique et peu coûteux pour les
entrepreneurs et les petits syndicats agricoles.
En ce qui concerne les batteuses finisseuses, on adjoint en dessous du deuxième
nettoyage, un trieur extensible ou classeur. Il consiste en un cylindre
horizontal, sur lequel s'enroule un gros fil de fer, dont les spires peuvent se
rapprocher, au moyen d'un disque presseur mû du dehors par une manivelle. En
tournant, le crible classe le blé ou l'avoine en plusieurs catégories de
grosseurs .différentes ; la meilleure qualité forme une excellente semence
triée, qui peut être vendue aussitôt le hallage. La botteleuse mécanique
s'adjoint communément aujourd'hui à l'avant des secoueurs des grandes machines,
où elle remplace le travail de cinq à six ouvriers. Cet appareil est semblable
aux liens des moissonneuses, mais il est de dimensions plus grandes. Lorsque la
paille sort de la batteuse, elle tombe sur la table des tasseurs qui la mettent
en botte sur une ou deux ficelles ; puis, les aiguilles l'enserrent pour opérer
les nœuds. Il faut une excellente manille.
En France, on emploie peu les élévateurs de paille, sortes de chaînes sans fin
munies de dents, qui se meuvent dans le couloir d'un bâti incliné, lequel peut
se redresser et s'allonger au fur et à mesure que la meule de paille s'élève.

Les brise paille se rencontrent communément sur les batteuses du Midi et
d'Algérie, où l'on a conservé l'habitude de hacher les pailles comme les donnait
anciennement le dépiquage par animaux. L'organe hacheur ou broyeur est
généralement constitué par un tambour rotatif armé de dents, passant contre un
contre batteur.
En résumé, on voit que la batteuse à grand travail peut, tout en conservant ses
grandes lignes de construction, exécuter par l'adjonction d'appareils
auxiliaires une foule de travaux secondaires. Mais, dans ces cas, il faut
toujours prévoir un moteur d'une force supérieure de 1 à 2 chevaux-vapeur, afin
d'obtenir une marche régulière dans le battage. Une équipe de 18 à 22 ouvriers
est nécessaire pour alimenter un appareil à grand travail, fournissant 120, 150
à 200 hectolitres de blé par jour, suivant la qualité de la récolte.
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